- HÜGEL (F. von)
- HÜGEL (F. von)HÜGEL FRIEDRICH VON (1852-1925)Fils d’un diplomate autrichien et d’une Écossaise, Friedrich von Hügel, né à Florence, suivit ses parents à Bruxelles d’abord, puis en Angleterre. Son éducation se fit en dehors des universités, grâce à des précepteurs distingués. Une surdité assez prononcée, due à une fièvre typhoïde, développa son goût de l’étude, mais ne l’empêcha pas de nouer de nombreuses amitiés dans des milieux très divers et de jouer un rôle très actif dans l’histoire du catholicisme.Bien avant la crise moderniste, il s’était fait remarquer par des travaux d’exégèse, auxquels il s’était préparé en apprenant l’hébreu. Dans un écrit de 1891, il revendique pour chaque science une structure autonome; il demande qu’on étudie librement la personnalité, le milieu culturel des auteurs sacrés, avec un esprit ouvert, mais sans subir de contrainte théologique: «Tandis que l’homme tisse une trame ordinaire d’ordre naturel, Dieu tisse en même temps une chaîne extraordinaire d’ordre surnaturel.» Il applique ses principes à l’examen de l’Hexateuque dans une communication à un congrès catholique à Fribourg, en 1897.Un autre centre d’intérêt pour le baron von Hügel, et plus important encore à ses yeux, a été dès cette époque la réflexion philosophique et théologique sur la vie intérieure, et tout spécialement sur la vie mystique, comme le prouvait déjà une étude de 1889 sur la spiritualité du père Grou, disciple de Fénelon.Le modernisme catholique a été, à la fin du XIXe siècle et au début du XXe, un effort audacieux de renouveau exégétique et de philosophie religieuse. Le baron était prédestiné à en être sinon l’«évêque laïc», du moins le «père Mersenne». Toutefois, s’il se montre favorable aux recherches critiques de Loisy, qu’il défendra avec une courageuse persévérance, il s’écarte de bien des modernistes par sa foi assurée en la transcendance divine. D’où la complexité de ses convictions, qui rend difficile de le classer dans un parti. Ses relations à travers l’Europe, ses visites au Vatican firent de lui l’avocat de Blondel et du père Tyrrell, pour ne nommer que deux de ses principaux amis. Mais il ne s’inféoda à personne. Ainsi, en 1904, il reprochera à Blondel d’avoir minimisé, dans Histoire et dogme , les résultats de l’enquête exégétique et de n’avoir pas reconnu, à propos de la parousie, les erreurs périphériques de la conscience humaine du Christ avant sa résurrection. Mais il développera, en 1906, une conception de «l’expérience et de la transcendance» qui le situe très loin de l’immanentisme alors à la mode. Quand surviendra l’encyclique Pascendi en 1907, il restera fidèle à ses amis et assistera dans son agonie Tyrrell. Toutefois, il ne sera pas désarçonné par l’échec d’un mouvement qui, à vrai dire, ne fut jamais parfaitement homogène.En 1908 paraît, en deux volumes, son principal ouvrage, The Mystical Element of Religion as Studied in Saint Catherine of Genoa and Her Friends . Il y présente sa célèbre thèse sur les trois éléments de la religion (institutionnel, rationnel, mystique) et y montre le caractère à la fois inévitable et salutaire de leur coprésence et de leur tension. Quatre ans plus tard, il publie Eternal Life, a Study of Its Implications and Applications . Il atteint un public plus large par un recueil dont la première série parut de son vivant, Essays and Addresses on the Philosophy of Religion (1921). On y trouve, dans leur ampleur et leur variété vécue, ses idées les plus saisissantes sur le réalisme de la connaissance, le rôle de la souffrance, les formes de la Révélation, la doctrine de l’Incarnation, le problème des fins dernières, l’autorité et la liberté dans l’Église, etc. On lui doit encore un écrit de circonstance, The German Soul (1916). Après sa mort, on a publié la seconde série des Essays and Addresses (1926) et l’esquisse de ce qui devait être ses Gifford Lectures :The Reality of God , suivie de Religion and Agnosticism (1931).L’influence du baron va croissant. Elle a d’emblée été grande dans le monde anglican et le devient dans le monde catholique. Ce rayonnement est dû à l’extraordinaire vivacité et à la ferveur de sa foi, à l’indépendance de son comportement, à la profondeur et à la spontanéité de sa pensée. Son œuvre, dont le style est souvent lourd, enchevêtré mais pittoresque, vaut avant tout par la phénoménologie qui s’y exprime, puis par l’équilibre de ses conclusions et la richesse de son érudition. Il aura été, dans l’Angleterre qui fut son pays d’adoption, le penseur le plus notable depuis Newman.À ses écrits essentiels déjà mentionnés, on ajoutera les Selected Letters publiées par B. Holland (1928).
Encyclopédie Universelle. 2012.